Monada Mehmetaj, Strasbourg,
Exposition inaugurée aujourd’hui au Conseil de l’Europe, sous le patronage du Consulat du Kosovo et de l’Ambassadeur Lulzim Hiseni.
L’exposition la plus récente du peintre contemporain kosovar Rron Qena (né en 1979) a été inaugurée aujourd’hui au siège du Conseil de l’Europe à Strasbourg, plaçant son art face à un public international.
Intitulée « Around Me / Autour de Moi », cette exposition constitue une réflexion puissante sur la ville, la mémoire et les relations intimes de l’artiste avec les espaces qu’il habite.
L’ouverture a eu lieu sous le patronage du Consulat du Kosovo à Strasbourg et avec le soutien personnel de l’Ambassadeur Lulzim Hiseni, amateur d’art et initiateur de nombreux projets culturels dans cette ville. Son rôle dans le soutien de la diaspora kosovare et la promotion des présentations culturelles du Kosovo au cœur de l’Europe est irremplaçable ; son nom mérite d’être distingué comme celui d’un soutien infatigable de l’art et de la culture.
Cette dimension diplomatique transforme l’exposition en un pont entre l’art et la représentation nationale, offrant à Qena l’espace adéquat pour présenter son travail à un public européen.
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Un parcours bâti sur la mémoire et la famille
La première source d’inspiration de Rron Qena est liée à la figure de son père, le caricaturiste bien connu Agim Qena, qui l’a accompagné dans ses premiers pas artistiques. Tout aussi importante fut l’influence du maître Muslim Mulliqi, avec qui Qena a suivi des cours privés avant d’intégrer pendant un temps l’Université des Arts de Pristina.
Après la guerre de 1999, Qena a continué à construire un langage visuel indépendant, créant des œuvres qui reflètent à la fois la simplicité de la vie et la complexité de ses expériences.
Cette formation personnelle et artistique l’a conduit vers un style distinctif, souvent décrit comme un dialogue entre la couleur, la mémoire et le temps.
Son œuvre n’est pas seulement esthétique ; elle est aussi un réflexion sur des réalités douloureuses et profondément humaines : l’isolement, la pollution urbaine, les murs qui séparent les espaces et les vies qui se déroulent derrière eux.
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Les séries qui ont façonné son identité artistique
L’exposition « Around Me / Autour de Moi » réunit plusieurs des expériences les plus marquantes de Qena, qui ont jalonné son parcours artistique au cours des trois dernières décennies.
Dans les années 1990, il entame la série « Sleep », où il dessine ses proches durant leur sommeil, cherchant à capturer l’intimité silencieuse des rêves.
Au début des années 2000, il crée la série « My Confusion is Oh So Clear », inspirée par la musique et la poésie de Tom Waits. Ici, le processus de peinture prime sur le sujet, donnant naissance à des œuvres incarnant un état de confusion sincère, presque cathartique.
Plus tard, avec la série « Fading City », Qena réagit au problème de la pollution de l’air au Kosovo. Les couleurs s’y estompent progressivement, soulevant la question : que reste-t-il lorsque les couleurs disparaissent ? Cette série devient une métaphore poignante de la disparition des souvenirs et de la transformation des espaces urbains.
Simultanément, la série « Behind the Walls » s’inspire des murs hauts et multicolores de Shkodër, semblables à des fresques. Ces peintures explorent l’isolement, la fermeture et la curiosité de découvrir la vie cachée derrière ces barrières.
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La ville comme organisme vivant
L’exposition de 2024 à la Galerie nationale du Kosovo, intitulée « The Roads That Know Me » (Les routes qui me connaissent), représentait une autre étape majeure dans la carrière de Qena. Les œuvres y traduisaient des expériences vécues à Pristina, Berlin, Shkodër et Brême – quatre villes distinctes mais liées par le regard et l’âme de l’artiste.
Dans l’exposition actuelle « Around Me / Autour de Moi », ce voyage prend la forme d’une réflexion double sur Pristina et Brême.
Ces villes ne sont pas présentées comme des structures figées, mais comme des organismes vivants, construits sur des couches d’histoire, d’architecture et de mémoire collective.
Pristina apparaît vibrante, énergique et tendue, dotée d’un esprit résilient et empreint de contradictions.
Brême, en revanche, se révèle plus calme, mesurée et équilibrée, mais tout aussi vivante et chargée de mémoire.
À travers un dialogue visuel entre ces deux cités, Qena compose une seule et même narration, où les identités urbaines se rejoignent sur une carte émotionnelle et artistique.
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Une esthétique stratifiée, une mémoire persistante
Les peintures de Qena se distinguent par leurs textures denses et leurs couches de couleurs superposées, évoquant parfois des fresques. Ces strates visuelles deviennent une métaphore de la mémoire urbaine : des souvenirs à la fois enfouis et révélés, constituant l’identité des villes en perpétuelle transformation.
Dans son œuvre, la ville n’est pas seulement un espace architectural, mais aussi un réservoir de mémoire, d’émotions et de fragments de vie, unis pour former une narration humaine partagée.
En ce sens, « Autour de Moi » est à la fois un voyage intérieur et une carte urbaine.
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Un art qui relie les espaces et les temps
Au fond, l’art de Rron Qena est une méditation sur l’expérience humaine dans les villes contemporaines. Il exprime la tension entre l’espace quotidien et la mémoire collective, entre l’isolement et le lien à l’autre, entre la perte et l’espoir.
L’exposition inaugurée aujourd’hui au Conseil de l’Europe, sous le patronage du Consulat du Kosovo et avec le soutien de l’Ambassadeur Lulzim Hiseni, n’est pas simplement une présentation de toiles ; c’est une invitation à voir la ville autrement :
non comme une structure de béton, mais comme un organisme vivant, doté d’une âme et d’une mémoire.
À travers les couleurs, les strates et les symboles, Qena donne vie à un voyage où Pristina et Brême ne font qu’un – deux villes qui vivent en lui et prennent forme sur la toile.
Ce récit entrelacé place Rron Qena parmi les peintres contemporains qui ne se contentent pas de documenter la réalité, mais la transforment en expériences esthétiques et émotionnelles.
Avec « Autour de Moi », il nous rappelle que l’art n’est pas seulement un miroir du monde qui nous entoure, mais aussi un moyen de le reconstruire de l’intérieur.
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